1. Petite dernière d'une fratrie de trois ans, je suis aussi celle qui aurait dû avoir le beau rôle. Celle qui fait des bêtises et qui accusent ses aînés. Celle que l'on chouchoute. Mais je n'ai jamais vraiment eu le droit à tout ça. 2. Je n'ai que très peu de souvenir de mon enfance. Je pense surtout que je n'ai pas envie de me rappeler quoi que ce soit. Les albums photos font office de support. Des sourires sur les photos. Des moments passés en famille. Cette impression que rien n'aurait dû se terminer. Des souvenirs que j'ai sûrement préférés enfouir au plus profond de moi et qui ne sont pas près de ressurgir. 3. J'ai souffert de l'absence de mes parents, sans vraiment en parler. J'ai souffert de me dire que mes copines avec encore une maman et un papa, alors que moi, je n'avais plus qu'une sœur et un frère. Je les aime, c'est une certitude, mais ils ne remplaceront jamais l'amour de mes parents. 4. Pauvreté et violence sont certainement les adjectifs qui déterminent le mieux mon enfance. Je ne compte plus le nombre de Noël raté, ni même le nombre de fois où j'aurais voulu avoir de nouveaux vêtements. Je ne compte pas non plus le nombre de fois où les coups de feu ont remplacé les jolis que je devais faire étant petite. La vie ne fait pas de cadeau et je l'ai pris que bien trop tôt. 5. A l'école, je ne suis pas non plus une lumière. Rester en classe m'agace. Écouter un professeur parler toute la journée me gonfle. Et je ne comprends pas le concept d'avoir de bonnes notes. Mais si durant mon enfance, je respecte une certaine ligne de conduite, tout part en vrille au moment de mon adolescence. 6. Le déménagement à Pine Creek n'a pas vraiment aidé. M'arracher à Memphis, ma ville de naissance, n'était certainement pas la meilleure idée que Neveah puisse avoir. Mais si au fond de moi, je comprends le pourquoi du comment elle l'a fait, je ne me sens pas à ma place. Ce n'est pas nous. Ce n'est pas moi. Ce n'est pas notre ville de naissance. Et je peine à croire qu'il puisse exister un futur sans violence. 7. Neveah s'est aussi donné le beau rôle de celle qui veut nous protéger Léo et moi. Malheureusement, si lui l'accepte, je suis beaucoup plus sur la réserve. Et dès l'adolescence, je montre des signes de rébellion. La raison est simple : mes parents me manquent. Et à mon sens, Neveah n'est pas censée être celle qui doit me dire quoi faire, comment le faire et comment me comporter. Sans parler du fait que je pars du principe que je n'ai besoin d'aucune protection. 8. Au lycée, j'ai ma bande de pote. On passe notre temps à refaire le monde, à sortir, à faire la fête et à tenir les murs. Ensemble contre le reste du monde, c'est notre façon de voir les choses. On n'a peur de rien à part du lendemain. On enchaine les absences en cours et les soirées sans vraiment se rendre compte que notre avenir peut en pâtir.  9. C'est durant cette période que je commence à fumer. Je veux faire comme les autres. Je veux entrer dans le moule. Je veux que l'on m'accepte. Ce n'est pas la meilleure solution, mais c'est la mienne. Un trop influençable sûrement pour me rendre compte que je m'abime la santé. 10. Fin du lycée, j'intègre une licence de langues étrangères. Il fallait bien faire quelque chose de sa vie, j'ai choisi une formation parmi tant d'autre. Je suis rarement en cours. Je ne sais pas vraiment quoi faire de ma vie. L'avenir me fait peur, mais je préfère ne pas y penser et faire croire à tout le monde que je le vis bien. 11. En parallèle de mes études, j'ai commencé à travailler dans une boite de nuit en tant que barmaid. Je voulais prendre mon indépendance : ne plus vivre au crochet de Neveah. Faire ma vie quitte à grandir trop vite. Faire ma vie et ne plus avoir cette hyper-protection dont elle peut faire preuve. 12. C'est au sein de cette boîte de nuit que je rencontre Jacob. Il n'est autre que le fils de l'homme qui tient la boîte de nuit dans laquelle je travaille. On s'est parlé, on s'est séduit, on a fini par coucher ensemble, tout en sachant qu'il n'était pas de mon âge. Tout aurait pu être si simple, si ce dernier n'avait pas été marié. En apprenant cette nouvelle, j'ai préféré mettre des distances. C'est lui qui ne les a pas pris : il voulait toujours que ce soit moi qui le serve, quand il passait. C'est encore lui qui passe son temps à entrer dans un jeu de séduction avec moi. Il fait toujours en sorte de rester dans un coin de ma tête. Et le pire ? C'est qu'il y arrive plutôt bien. 13. Comme beaucoup de jeunes de mon age, je passe mon temps à regarder des téléréalités. Et j'en arrive à être complexée. Si j'en avais les moyens, je serais déjà passer sous les doigts d'un chirurgien esthétique. 14. Je suis dépensière et j'ai toujours besoin de faire du shopping. D'ailleurs, mon compte en banque est rarement dans le vert. Je ne sais pas gérer mon argent, ni même un budget.  Il est hors de question pour moi de faire des économies. 15. J'adore faire la fête et dès que j'en ai l'occasion, je sors avec ma bande de copains. Mais je ne suis pas le genre de fille qui tient réellement l'alcool. Je ne compte plus le nombre de fois où je me suis retrouvée sur le canapé d'un de mes potes parce que j'avais trop bu pour rentrer chez moi. 16. Dernièrement, j'ai essayé la drogue, sur un "cap ou pas cap" proposé par l'un de mes potes. Pour ne pas mourir idiote, j'ai voulu tester de prendre ce rail de coke. J'en ai pris un premier, puis un deuxième. Sans que je me rende vraiment compte, je suis tombée dans un cercle vicieu, certainement le début d'une descente aux enfers silencieuses : je suis triste, je prends de la drogue pour oublier.