Romeo a très souvent pensé à cette journée, celle où il était en compagnie de Jules, assis devant des dizaines de journalistes venus les interviewer afin d’obtenir des informations en avant première sur leurs pères respectifs. C’était compliqué, d’autant plus que la conférence de presse a très vite dérapé sur des sujets beaucoup trop sensibles. Mais cela aura eu au moins un effet positif, les deux garçons ont put apprendre à se parler, à dépasser les a priori idiots de leurs familles qui se déchirent depuis maintenant trop longtemps.

Toujours dans le rayon des choses qu’il ne maîtrise pas, il a donné son numéro de téléphone au blond, pourquoi ? Aucune idée. C’est comme quand il a fait son coming-out à une personne plus ou moins inconnue. Il ne maîtrise plus vraiment grand-chose dans sa vie ces derniers temps. Tout comme ce message remplis de sous-entendus lascifs qu’il n’aurait jamais dû envoyer à Jules. Il perd les plombs, et il ne sait plus comment il doit agir ou réagir, et ça, c’est quelque chose d’inédit pour le maniaque du contrôle qu’il est. Mais malgré tout cela, il est heureux et sa sœur lui a fait remarquer qu’il avait plus souvent le sourire au visage, il a haussé les épaules, ne préférant pas rentrer dans son petit jeu.

Il a attendu très longtemps ce jour, celui de l’ouverture de la fête des fleurs et pour plusieurs raisons en réalité. Artiste dans l’âme, il adore voir les nombreuses couleurs habiller les rues et les façades des boutiques de la ville ; s’il y a bien un événement qu’il aime à Pine Creek, c’est celui-ci. Il va pouvoir également retrouver Leïla Matthews, la fleuriste de la maison Flores qui devrait normalement être surchargée de travail, et il a bien l’intention de la féliciter pour son travail. Et surtout, il sera aux côtés de Jules. Cette idée au début lui déplaisait… alors non, pas le fait d’être avec Jules, mais d’être très – trop ? – enthousiaste à cette idée. Mais il faut donner le change, ils font croire à tous qu’ils sont amis, autant l’être réellement plutôt que de mentir à ce sujet, mais il y autre chose, il n’arrive pas à mettre le doigt dessus.

Habillé d’un costume bleu marine et d’un t-shirt noire dessous, de belles derbies marron, il a lui-même pris le volant de la magnifique Cadillac Eldorado rouge de la famille pour rejoindre Jules devant chez lui à l’heure indiquée sur son message. Bien évidemment, Rowena est derrière lui dans un SUV noir impersonnel. Il a essayé de dire à son père qu’il n’y avait aucun danger, mais il n’a pas voulu en démordre. Rowena lui a alors assuré qu’il ne la verra pas. Loupé.

Une fois garé devant, il dégaine son téléphone portable pour envoyer un message à Jules lui indiquant qu’il l’attend et qu’il a intérêt à se magner le derrière, le tout accompagné d’un délicat smiley mettant à l’honneur le doigt du milieu de la main. Très mature, mais qui a dit que Romeo l’était en permanence ? Après tout, il est comme tout le monde et il aime rire, faire suer son monde et surtout il aime faire suer Jules.

Le blond arrive, et quand il le voit, il a l’impression que son monde défaillit, son coeur bat plus vite et il ressent une pointe de douleur dans le ventre, mais il se force à sourire alors que ce n’est pas du tout ce que lui dicte son instinct. Jules semble apprécier le véhicule vu la façon dont il le regarde et cela renforce la conviction du brun qu’il a bien fait de venir avec.

— Salut le bouche-trou, ça va ? qu’il lui demande en ouvrant la portière passager en se penchant vers la droite de la voiture.

Pas besoin d’être vraiment galant, mais un peu de gentillesse et de bonne éducation, ça ne fait jamais de mal à personne. Une fois Jules installé et attaché, il remet le contact pour démarrer et aller rejoindre l’hôtel de ville tout en écoutant sa playlist habituelle composée à grande majorité de chanson rock ou country.

— Fin prêt pour cet événement ? puis il remarque l’appareil photo seulement maintenant. Oh, tu vas vraiment photographier aujourd’hui du coup ?

Il se souvient de ce que Jules lui avait dit par message, qu’il faisait partie d’un club de la ville. Romeo n’a jamais senti le besoin de le faire, de s’inscrire. Il faut dire qu’il n’a pas très souvent le temps de pouvoir le faire, mais pourquoi pas après tout ? Pas celui de photographie, il est vraiment trop nul pour ça, mais par contre le club d’écriture… ça pourrait l’intéresser, encore faut-il qu’il trouve le courage de le faire.

I don't even care about the rain no more
That's the side effect you've had on me

Il grattait quelques notes sur sa guitare acoustique, regardant ce qu'il avait noté sur son petit carnet les semaines passées. Il leva la tête, regardant au loin le lac. S'il pouvait se plaindre de la ville, son chalet personnel - bien qu'un peu trop grand - lui suffisait, agissant comme un cocon pour ses états d'âme.


Il griffonna, raya, chercha les mots qui lui venaient le plus en tête lorsqu'il fut déconcentré par la lumière apparente de son portable. Un sms de Romeo lui indiquant qu'il était devant la porte. La panique s'afficha sur son visage, il n'avait même pas fait l'effort de se changer, de mettre une tenue des plus chic. Un débardeur blanc avec un cargo. Et il n'avait pas le temps, ni de prendre une douche, ni de se changer. Il souffla, prenant ses affaires avec un simple gilet avant de sortir. Il fut surpris de voir son propre sourire s'élargir à la vue de la voiture qui était là, se sentant comme privilégié. Avançant en sifflant, impressionné, sa mine changea drastiquement de ton lorsqu'il se fit accueillir avec un tel accueil. Son ego en prenait un coup - et même s'il comprenait la blague, il était à deux doigt de faire demi-tour. Mais il se contentait d'un simple — Okay, va te faire voir avec son sourire le plus éclatant. Il prit place sur le siège passager, ayant l'impression d'être une princesse escortée en bonne compagnie. — Déjà que je suis pas habillé comme il faut... lâcha-t-il. plus sérieusement mais il ne voulait pas trainer plus encore dans sa tanière. — Ouais... ouais... et toi ? dit-il en arquant un sourcil. Au vu du ton, il avait l'impression que cet évènement important beaucoup pour Romeo. Une des conséquences de l'interview donnée dans le magazine local ? Il regardait son appareil photo, faisant les quelques réglages qu'il fallait en fonction de la météo annoncée. — J'ai un vrai travail, moi, monsieur. rétorqua-t-il. En réalité, il n'avait toujours pas trouvé un emploi qui plaisait suffisamment à sa personne, sentant dangereusement l'échéance approcher. Mais, il avait réussi à gagner un peu de temps : pour la politique, ça faisait bien voir de s'investir dans des clubs et associations, de donner de sa personne et au moins, il pourrait davantage travailler sur ses talents de photographe. — Les fleurs sont l'une des choses qu'on prend le plus en photos, c'est une esthétique même donc si j'en prends pas aujourd'hui, j'en prendrais jamais. dit-il avec un peu de réflexion avant de braquer son appareil, se tournant sur le coté pour prendre une photo de profil de Romeo, comme ça, à l'improviste. — Pas sûr que les politiciens au volent de leurs carrosses soient l'un des sujets communs. ricana-t-il.

Arrivant jusqu'au centre-ville, Jules ne s'était pas caché de regarder toutes les décorations en ville. Le thème était splendide. — Tu t'y connais en langage des fleurs ? demanda-t-il, l'air de rien, s'apprêtant à sortir pour fermer la portière derrière lui. Il ne remarqua qu'à ce même instant, Rowena, qui les suivait derrière. Il avait réellement l'impression d'être un gosse tenu en laisse et surveillé constamment. — Tu m'avais pas dit qu'elle était là. T'avais pas besoin de moi. dit-il, l'air plus froid et renfermé.

Il aime taquiner, il aime provoquer, et ça a toujours été comme ça avec Romeo. Parfois, ça gêne les gens, et il se souvient de personne qu’il a pu froisser quand il vivait encore à Sacramento. Sa mère lui disait qu’il devait apprendre à se calmer, à être plus diplomate. Alors oui, il reparle de ce petit échange de message, et c’était drôle en fait, juste parce qu’il voit le visage de Jules se renfermer immédiatement.

— Okay, va te faire voir.

— A vos ordres, qu’il lui rétorque avec le même grand sourire au visage.

La vérité, c’est qu’il est heureux de pouvoir le retrouver, et son excitation n’était pas feinte, il aime au final le voir, il aime lui parler, et c’est vraiment dérangeant, parce qu’il n’aurait jamais pensé pouvoir ressentir ça avec Jules, c’était comme s’il débarquait dans un univers qu’il ne maîtrisait pas.

— Déjà que je suis pas habillé comme il faut…

Ce n’est pas le cas. Il est habillé simplement, et cette tenue, aussi banale soit-elle rappelle aussi à Romeo qu’il devrait parfois s’habituer à la simplicité. Il aimerait pouvoir oser le simple, mais son père, toujours son père, ne l’autorise pas à cela. A la maison, c’est une autre histoire, mais en public, surtout lors d’événements comme celui-ci… il n’a pas son mot à dire, comme d’habitude.

L’hispanique finit par lui demander s’il va bien, et lui parle de l’appareil photo. Avide d’en savoir plus, il espère qu’avec Jules il pourrait… il ne sait pas, le découvrir, savoir qui il est et pourquoi il ressent ce qu’il ne devrait pas ressentir.

— Ouais... ouais... et toi ?

— Ouais, ça roule.

Mais la vérité, c’est que pas vraiment, il a les mains qui tremblent et le ventre qui papillonne. C’est insupportable, surtout qu’il ne comprend pas pourquoi il peut ressentir, ou avoir ce genre de sensations.

— J'ai un vrai travail, moi, monsieur.

Il hoche la tête. Lui aussi a un vrai travail, mais il doit le tenir secret. Personne ne doit être au courant, c’est un secret complet, un secret parmi les autres. Tant de cachotteries que parfois ça lui donne le tournis.

Et puis Jules commence à discourir sur les fleurs et la photographie, comme quoi c’est un des sujets favoris, blablabla. Alors oui, c’est intéressant, mais en même temps il n’a pas du tout envie de parler de tout ça, et surtout il conduit et il doit être concentré sur ça.

Romeo entend alors le bruit caractéristique d’un appareil qui prend une photographie. Et il se met à sourire, voire même à rire.

— Pas sûr que les politiciens au volent de leurs carrosses soient l'un des sujets communs.

— Toi aussi va te faire voir, qu’il plaisante aussi.

Les deux hommes finissent par arriver et il se gare sur un parking réservé pour lui à l’occasion par son charmant paternel. Les décorations sont absolument parfaites et c’est d’une beauté somptueuse.

— Tu t'y connais en langage des fleurs ?

— Euh ouais, un peu, genre les cosmos pour l’innocence ou les jasmins pour l’am…

Il est alors coupé dans son élan tandis que Jules voit le SUV se stationner aussi et sortir Rowena du véhicule.

— Tu m'avais pas dit qu'elle était là. T'avais pas besoin de moi.

Jules est devenu froid, taciturne. Romeo comprend. Lui aussi a eu la même réaction, mais de toute façon, il n’a pas le choix, comme d’habitude, il n’a jamais le choix pour rien de toute façon. Mais subitement, il se rend compte qu’il ressent le besoin de se justifier, de lui expliquer les choses.

— Mon père m’a pas laissé le choix. Mais la vérité est ailleurs surtout, et il ne sait pas s’il peut lui en parler. Pourtant, s’il veut apprendre à le connaître, il est grand temps de parler, de se dévoiler aussi un peu.  Y a eu des soucis à Sacramento, et mon père a peur.

Sa mère a été prise d’assaut par des détracteurs et son père a peur qu’il ne finisse par lui arriver la même chose, à lui, et à ses enfants. Alors la sécurité a été renforcée. Mais Romeo a posé des conditions, très précises.

— J’ai dit à mon père que je voulais pas la voir, j’ai envie d’une journée… normale ?

Et pour cause, les deux hommes commencent à marcher pour rejoindre les festivités, et Rowena est loin derrière eux, perdue dans la foule, mais de manière à toujours pouvoir garder un œil sur son protégé. Il soupire avant de tourner le visage pour regarder le visage de Jules et il découvre des détails de son physique qu’il n’avait jamais remarqué, comme son grain de beauté sur le coin supérieure de sa lèvre, ou la ligne de son nez. Il détourne rapidement le regard en se mordant l’intérieur de la joue.

— Tu sais, j’avais vraiment envie de passer cette journée avec toi.

Il aurait pas du dire ça, mais surtout il aimerait éviter que Jules tire la tronche durant toute la journée, et surtout il n’a pas envie qu’il se sente mal et cet élan de gentillesse, il ne sait pas vraiment d’où il débarque. En fait, il aimerait bien arrêter d’être mal à l’aise quoi qu’il dise ou même que toute la situation actuelle ne soit pas dérangeante au possible.

Il n'avait pas envie qu'on le prenne pour un adolescent. Si Romeo désirait être surveillé, c'était son choix mais Jules était parti pour faire cavalier seul. Pourtant, à la scruter du coin de l'oeil, il voyait qu'elle se tenait extrêmement en retrait - comme une sensation étrange de ne pas être vue. Il croisa les bras, lui faisant comprendre qu'il ne bougerait pas, le temps d'en savoir plus. Et il roula instantanément ses yeux en ciel en le voyant évoquer la carte jocker, celle de son père. Il avait passé l'âge de la majorité depuis longtemps. Or, il tiqua face à la suite de l'histoire : des problèmes à Sacramento. C'était ce que son propre père lui avait dit au téléphone la semaine passée par des informateurs plutôt avérés et qui - au son de la voix du St-John - pourraient être responsables de méfaits. Des actions en découlent des conséquences, et des conséquences en découle la présence de Rowena. Et si Jules était aussi agacé, c'est parce qu'inconsciemment, il aurait aimé avoir un peu d'intimité avec le Flores, d'homme à homme. Il hocha les épaules, abandonnant sa posture. Il n'allait de toutes manières pas rebrousser chemin ? Et il n'avait certainement pas envie d'être seul à ce genre d'évènements. — Puisqu'on a pas le choix... dit-il en se pinçant les lèvres avant d'entamer à nouveau la marche. De profil, il n'arqua un sourcil, troublé par sa déclaration. Que voulait-il dire par Tu sais, j’avais vraiment envie de passer cette journée avec toi. ? Et pour la première fois, il ne sut rien dire, ni même rétorquer quoique ce pour désamorcer cette tension. Il sentit seulement cette chaleur en son coeur. La marche se déroula quelques secondes d'une façon aussi lourde que silencieusement, à échanger seulement des regards avec des légers sourires. Il vit des parterres de fleurs devant lesquelles il s'arrêta. — Oh, ça, c'est le spot qui me faut. On peut s'arrêter là, deux minutes ? demanda-t-il sans attendre la réponse. Il testa son appareil, de quoi changer les angles et les perspectives, à zoomer et à dezoomer. Après quatre, cinq photos prises, il prit un ton des plus solennels. — Okay, avec le club, on essaie de redonner toute la sensualité aux fleurs. Casser ce côté mignon/innocent, tu vois. Il ramassa un bouquet disposé là, le tendant vers Romeo. — Il faudrait que tu te déshabilles. Tu te mets tout nu et tu caches ce que tu as entre les jambes avec ce bouquet. Il jeta un coup d'oeil insistant sur un silence de plomb qu'il cassa en quelques instants. — Je plaisante, hein. dit-il avec un petit clin d'oeil, même si intérieurement, il aurait bien aimé assister à cela. — J'aurai dû aller au Met Gala ce lundi. C'était sur un vague thème de fleurs mais évidemment, je suis bloqué ici. Cela faisait bien trois ans qu'il n'y avait pas mis un pied et en fait, il n'y avait été qu'une fois, évitant le fait que sa seule présence avait entrainé sa radiation aux prochaines évènements. — Ceci étant dit, j'veux bien qu'on essaie de faire des scènes de toi avec des fleurs.

Oui, il ne voulait pas avoir sa garde du corps avec lui, mais il n’a pas réellement le choix, et surtout il comprend la raison pour laquelle son père a vraiment insisté sur sa présence. Certes, le fait qu’elle soit là est un peu de trop, à Pine Creek il ne se passe jamais rien, mais Romeo est le fils de la maire de Sacramento et d’un des sénateurs californiens, sa mère prépare des élections présidentielles et il possède des informations confidentielles. Alors oui, il comprend complètement. Il aimerait bien que Jules comprenne lui aussi, d’autant plus qu’il doit être au courant de tout ce qui se passe à Sacramento par le biais de son père.

— Puisqu'on a pas le choix…

Oui, de toute façon, c’est comme ça et c’est tout. Il ne peut aller contre l’avis de ses parents, parce que sa mère était d’accord elle aussi. De plus, il n’a pas envie de se faire enlever ou même pire.

Et puis, voilà qu’il fait un nouvelle bourde, il cumule ces dernières semaines, et heureusement qu’il n’en a pas fait devant le journaliste de The Creeker Gazette. Enchaîner de cette manière, c’est clairement mauvais, parce qu’il risque de faire n’importe quoi et surtout tout pourrait lui retomber dessus si jamais cela vient à se savoir. Et par chance, Jules ne lui fait pas l’affront de relever, il ne dit rien alors que Romeo vient de lui avouer qu’il aime passer du temps avec lui. Ils avancent, c’est tout et regardent les étals de fleurs.

— Oh, ça, c'est le spot qui me faut. On peut s'arrêter là, deux minutes ?

Oui, évitons les sujets dérangeants. Et oui, Romeo s’arrête et il observe le blond attraper son appareil photo pour commencer à faire des prises sous plusieurs angles, en zoomant ou au contraire en éloignant le focus. Et… en fait, il le regarde comme il n’avait jamais regardé personne, c’est comme s’il y avait quelque chose qu’il n’arrivait pas à saisir.

— Okay, avec le club, on essaie de redonner toute la sensualité aux fleurs. Casser ce côté mignon/innocent, tu vois.

Oui, pourquoi pas. C’est vrai qu’il y a des fleurs qui ont un aspect très phallique ou même certaines qui ressemblent clairement à des vagins. Puis Jules attrape un bouquet de fleurs qu’il lui tend rapidement.

— Il faudrait que tu te déshabilles. Tu te mets tout nu et tu caches ce que tu as entre les jambes avec ce bouquet.

Romeo le regarde et devient rouge immédiatement, le regard fuyant tout et surtout il perd complètement pied alors qu’il s’imagine être complètement nu devant un Jules le prenant en photographie. Si seulement ça le dégoûtait… la vérité c’est qu’il trouve ça étrangement attirant et flippant.

— Je plaisante, hein.

— Oui, bien sûr, tu plaisantes.

Le truc, c’est que la façon dont il a dit ça, c’était… perturbant ; Romeo n’arrive pas à saisir tout ce qui est en train de se passer, et pour être franc avec lui-même. Jules et Romeo se parlent. Romeo et Jules apprennent à se connaître. Ils s’apprécient, malgré la rancœur qu’ils avaient eux-mêmes créée, et maintenant, ils s’apprécient et doivent composer avec ça.

— J'aurais dû aller au Met Gala ce lundi. C'était sur un vague thème de fleurs mais évidemment, je suis bloqué ici.

Et là Romeo redescend. Jules n’a pas envie de passer du temps avec lui, et finalement, le bouche-trou c’est plutôt lui. Il a horreur de cette situation, il aurait aimé que Jules lui dise qu’il voulait lui aussi être là et que c’est une bonne chose. Sauf que ce n’est pas le cas et il devrait peut-être éviter de se prendre la tête de la sorte et pourtant il n’y arrive pas, c’est comme s’il s’était pris une grande claque dans la figure.

— Ceci étant dit, j'veux bien qu'on essaie de faire des scènes de toi avec des fleurs.

Non merci. En vérité, il a déjà été contacté pour faire des photos plutôt dénudées pour des œuvres de charité. Et si c’était beau, si c’était… pour la bonne cause, il est hors de question que des photos de lui circulent quelque part, du moins, des photos où il serait entièrement nu.

— Je sais que tu veux ces photos pour te toucher dessus, mais c’est hors de question.

Il décide de prendre le bouquet de fleurs de Jules et de le garder avant de le porter à son visage pour pouvoir le sentir et en humer la fragrance avec un grand sourire parce que malgré le fait qu’il ne veuille pas être là, il vient alors le tiquer à nouveau. Romeo aime le taquiner, il aime lui envoyer des piques dans le genre, et surtout il aime se rendre indispensable au bien être des autres. C’est égocentrique, il le sait, mais avec Jules… il se surprend parfois à avoir envie de l’obséder en permanence.

— Mais si jamais tu veux faire des photos avec des fleurs… je suis partant. Mais je veux des vêtements, tous mes vêtements, et c’est non négociable.

Pourquoi il dit ça ? Pourquoi il lui propose de passer du temps avec lui alors que l’autre a clairement dit qu’il ne voulait pas être là avec lui. Jules semble en réalité n’en avoir rien à foutre, et c’est violent de s’en rendre compte, Romeo n’aime pas cette idée, il n’a pas envie d’être un simple fétu de paille. Alors il continue de marcher, le bouquet à la main et il a envie de fuir, et de retourner vers Rowena pour rentrer. Il s’est fait des films et ils tombent littéralement à l’eau.